IL ETAIT UNE FOIS
[…] Il y avait à cette époque beaucoup de vampires, de cannibales, et aussi des compères qui complotaient, des sorcières qui faisaient des filtres, et beaucoup de commères. Des araignées difformes tendaient leurs toiles de leurs longues pattes velues au dessus des villages pour y emprisonner leurs proies et les vider de leur substance. Malheur aux lézards qui jetaient des pierres dans les toiles car des hordes de fourmis rappliquaient aussitôt l'épée à la main et les frappaient sous les yeux des habitants du marais paralysés par la peur. Les repaires de vampire ressemblaient à des frigidaires remplis de poches de sang, celle des cannibales étaient des morgues où ils entreposaient les cadavres ramenés lors de raids meurtriers. Quelques vautours rôdaient en permanence au dessus de ces repaires tandis que d'autres perchés sur de hautes ramures observaient leurs cibles insouciantes qui riaient, criaient, plaisantaient et se chamaillaient en se poursuivant. Il y avait pourtant quelques personnages respectables dans ce cirque grotesque. Ils se tenaient à distance des rumeurs, des soudards et des espions de l'inquisition car leur chef était un loup garou ailé redoutable qui héritait de ceux qu'on tue et qui sous le masque tantôt du sage, ou de la candeur, et même de l'amour en profitait pour frelater les vins et les nourritures qu'il vendait pourtant à gros prix, profitant de l'ignorance des gueux qui se traînaient à ses pieds et des scorpions qui le protégeaient. Il exerçait l'art de voler habilement, et plaidant le faux contre le vrai, ruinait la veuve en dépouillant l'orphelin pour triompher ensuite dans la graisse, ce qui l'empêcha un jour de s'envoler. C'est à ce moment que tous ceux qu'il avait traîné dans la fange, les sans le sou, laissés pour compte ,se dressèrent contre lui, écrasant les fourmis et les scorpions à leurs pieds, pour finalement pendre sa dépouille à un arbre. Ils firent ensuite tous la fête, buvant, mangeant à se faire éclater la panse, alors que des griffons qui rôdaient dans le bois ayant flairé la ripaille, attendaient patiemment la fin de la soûlerie pour les envahir et leur imposer un nouveau prélat. […]